Quand au mois de Janvier 2015, on me met en contact avec l'organisateur du festival des arts martiaux de Bourges, M. Henry de Beaupied, bref moment d'hésitation : il faut former l'équipe de démonstration, définir un thème de travail, hausser l'exigence technique, organiser les répétitions, c'est-à-dire bouleverser les emplois du temps de chacun, susciter la concentration, se rendre soi même disponible. Une promesse d'un immense travail, de tension nécessaire, d'une fatigue certaine. Et tout cela pourquoi ?
Il y a un réflexe mental ancien, présent depuis ses débuts périlleux à Shiwol. Tout est là, et il suffit de trouver à l'agencer. A nous de transformer cette petite île minoritaire en jaillissement collectif joyeux. Etre aussi présents qu'on peut l'être. Quelque chose comme la conjonction d'un esprit baladin, et l'intransigeance de l'art martial. Nicher la question de la vie et de la mort dans la légèreté d'un spectacle de quelques minutes. Faire du spectacle mais ne rien céder sur l'esprit qui nous tient et les techniques qui nous travaillent. Et enfin, se mettre soi même sur le gril, tant il est vrai que construire quelque chose ensemble est toujours une façon de se cuire.
arghhhh ...
Cette équipe, ce ne fut certes pas l'enrôlement des 7 samouraïs. Fragile, incertain, modeste mais avec un rien d'épique. Moyenne d'âge des heureux élus: 14 ans. Les dates de répétition furent posées, les paroles furent données, une maman par-ci qui répond, par là, un élève qui dit "oui" ... D'autres qui ne disent rien. Construire des châteaux forts sur du sable ?
Cet après-midi de vacances, Toto ne vient pas. Il était déjà partie prenante des opérations, bien en forme la veille pourtant ; mâture, stable. il a reçu l'autorisation de ses parents de rester seul spécialement à Paris pour répéter. Il n'est pas du genre à oublier, ou à se perdre, et il est toujours à l'heure. Pas de téléphone portable, Dieu sait qu'il a raison de ne pas se précipiter pour en avoir un. Mais bon, là, on voudrait bien lui parler.Bref, on s'inquiète.
Un appel au père plus tard, on apprend que Toto n'est pas venu parce que ...j'ai préféré ne pas entendre le motif de son absence, ou l'effacer sur le champ de ma bande enregistreuse. La tension n'est pas encore là, la flemme des vacances visiblement bien présente.Je lui aurais pardonné d'avoir croisé une fille, il semble que c'était un jeu vidéo.
Ce lundi, ils sont tous là, ça fait du monde en bleu marine. Il fait nuit, il est tard, on n'est pas encore bien au point. J, ceinture blanche fait remarquer qu'elle ne les avait jamais vus ces petits gars là. L'exceptionnel est là aussi : des gens qui ne se croisent pas habituellement se rencontrent. Pas le temps de bavarder, il faut raccompagner N. chez lui, on s'est engagés à le faire auprès de ses parents, merci L.
Jeudi, jour J -2
D'une exception à l'autre, la répétition d'aujourd'hui engage encore plus d'inhabituel. Les deux frères Zz ont chacun eu l'autorisation de sécher les cours pour participer à l'avant-dernière répétition. Ils ne cachent pas leur plaisir de le faire, ouvertement enfin, sans dissimulation avec un glorieux prétexte. La tour de contrôle a de nouveau pris les choses en mains, en récupérant, les zenfants les uns après les autres. Toto a bien dit qu'il viendrait de son côté ... on se demande où il est. Un texto arrive bientôt, et je manque de peu l'infarctus en le lisant "Excuse moi de ne pas venir ce soir, je suis super fatigué. J'ai eu EPS toute l'après-midi et j'ai mal partout. C'est une dure semaine. Par contre, je viens toujours vendredi soir". J'appelle en bondissant, je masque à peine les rugissements au téléphone. Bon, il vient, c'est-à-dire, il a dû sentir quelque chose comme l'absence de choix. (à suivre)